Ce samedi, sur la Place de la République, avait lieu un rassemblement en soutien aux Kurdes. Jean-Luc Mélenchon y a tenu un discours enflammé, appelant Macron à menacer Erdogan de « répliquer » s’il attaquait les positions des Français, et les Turques à se « soulever » contre le « maudit Erdogan ».
Après les événements récents en Turquie, où le président turc a décidé d’attaquer les Kurdes du nord de la Syrie pour des raisons territoriales, ceux-ci ont finalement décidé de s’allier à l’armée syrienne pour faire front contre les forces turques. Voilà qui pose un cas de conscience aux commentateurs français qui s’étaient offusqués de l’attaque turque : faudra t-il soutenir les kurdes, épaulés par l’armée du « dictateur sanguinaire » Bashar Al Assad et non plus par les Etats-Unis qui se retirent progressivement du théâtre syrien ? Sans compter que Poutine semble bénéficier du vide laissé par les États-Unis dans la région. Il est désormais le seul à avoir les cartes en main pour résoudre la crise. Alors que dire, que faire ? Le leader de la France Insoumise, lui, s’est présenté ce samedi sur la place de la République pour y tenir un discours très interventionniste :
« Le devoir de tous ceux qui sont armés devant les troupes turques est de répliquer et de mener implacablement la guerre pour vaincre Erdogan le terroriste et ses troupes qui sont celle du fascisme de l’obscurantisme. »
« Le devoir des français en arme est de répliquer » : discours de @JLMelenchon au rassemblement parisien pour les Kurdes.#Kurdes #KurdesSoutien #Rojava #RojavaResistance pic.twitter.com/wtHkMa76DP
— D Anthony (@AnthonyDepe) 12 octobre 2019
Nous ne pouvons que nous interroger sur l’intérêt de tels propos incendiaires de la part du leader de la France Insoumise sur un sujet qui nécessite avant tout tempérance et diplomatie. Souvenons-nous de la position qu’il avait adoptée lors du conflit en Libye, et avec lui tous les « progressistes » de France et de Navarre : « oui » au couloir aérien permettant une intervention en Libye ! On sait où tout cela a conduit. La « guerre humanitaire » est le cache-sexe de l’impérialisme dur, que paradoxalement Trump ne semble pas vouloir incarner ! Au fond, et c’est ce qui ressort de ce discours, sur la question kurde, Mélenchon et BHL sont sur la même ligne.
Bernard-Henri Lévy: « L’Europe est aux abonnés absents » s’agissant de l’offensive turque sur les forces kurdes en Syrie pic.twitter.com/9vck2bEst9
— BFMTV (@BFMTV) 13 octobre 2019
Le crime d’#Erdogan contre les #Kurdes doit être payé. Il ne peut d’une main massacrer nos compagnons de lutte contre #Daech et, de l’autre, figurer dans l’#OTAN. Que voudrait dire une alliance qui, par son silence, cautionnerait une telle infamie ? La #Turquie hors de l’OTAN!
— Bernard-Henri Lévy (@BHL) 13 octobre 2019
Notre boussole inversée a parlé : il défend pied à pied les Kurdes (il a même produit un film sur eux en 2016 : Peshmerga) et condamne Erdogan comme il l’a fait jadis pour Kadhafi et bien d’autres. Méfiance donc à l’égard de ces velléités d’indépendance kurde encouragées par les mêmes qui ont détruit la Libye. Cela pourrait aboutir à un morcellement de la région, au seul bénéfice d’Israël. Rappelons que l’espace de peuplement kurde est à cheval sur quatre pays de la région : Turquie, Syrie, Irak et Iran. La formation d’un Kurdistan indépendant affaiblirait ces quatre puissances. Donc sans cautionner de quelconques massacres, la position la plus équilibrée est peut-être celle de la Russie, analysée par Israël Shamir :
La position de la Russie est tout à fait juste et directe : toutes les troupes étrangères doivent quitter la Syrie à moins d’y être invitées par le gouvernement de Damas. Les Kurdes doivent accepter la règle de Damas. Arrêtez votre romance avec les États-Unis, redevenez des citoyens fidèles de votre patrie, la Syrie, et tout ira bien pour vous. L’année dernière, des militants kurdes avaient envoyé une délégation à Damas pour discuter de la réconciliation, mais ils ont ensuite trop négocié, exigeant une très large autonomie. Ils ne voulaient pas assouplir leurs exigences en s’appuyant sur le soutien américain. Aujourd’hui, la situation a changé, et ils peuvent ajuster leur regard et jurer fidélité à la Syrie. (…) Le Moyen-Orient a besoin de réconciliation, estime Moscou. L’intégrité de la Syrie sous Damas est la clé de la réconciliation. Parallèlement, le processus de réforme constitutionnelle en cours contribuera à résoudre pacifiquement les différends entre les communautés. Les chances de mettre en œuvre les plans de Moscou ne sont pas mauvaises. L’un des principaux instigateurs de l’imbroglio syrien – l’Arabie saoudite – a été battu au Yémen et n’a plus envie de se battre. L’Europe est moins encline qu’elle ne l’était à éliminer les « dictateurs sanglants ». La CIA, le Lobby juif et les démocrates clintonistes maintiendraient la Syrie en ébullition, mais heureusement, ils ne sont pas aux commandes à Washington. Nous pouvons nous sentir prudemment optimistes, même si beaucoup de choses peuvent mal tourner.
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