Le système de crédit social déchaîne les passions et les fantasmes. Alors que tout le monde a en tête l’image d’un système de notation orwellien, la réalité est tout autre… et bien moins sensationnaliste.
Dans les débats portant sur les technologies numériques et les dangers qu’elles représentent, la République populaire de Chine est souvent perçue comme » l’opposé négatif » du « nous ». Perception influencée par l’avancée de la Chine dans ce domaine : il est vrai que le régime de Pékin est pionnier dans la mise en place de la censure et de la surveillance à grande échelle, disposant de capacités de pointe autour de la reconnaissance faciale et de la surveillance des réseaux sociaux.
Plombée par cette image désastreuse , la Chine incarne en Europe l’exemple-type de la dystopie contemporaine. Si cette représentation peut faire les choux gras d’hommes politiques et de journalistes peu soucieux du détail, la réalité ne se résume pas à un « état orwellien » et son panoptique numérique contrôlant chacun des faits et gestes des individus. Ces raccourcis brouillent la compréhension des implications des technologies numériques sur le fonctionnement de l’État et proposent une vision biaisée de la vie en Chine contemporaine. Le dernier exemple en date est le nouveau documentaire, diffusé mardi 8 février sur la chaîne parlementaire LCP-AN, titré » Ma femme a du crédit » .
Ce documentaire déroule le récit d’une Chine devenue « totalitaire » où la « 5G, les Big data, les doubles digitaux forment une immense toile de la surveillance totale » – toile grâce à laquelle « le Parti communiste peut lire sur le visage de ses citoyens chacun de leurs faits et gestes ». Mieux encore, le Parti aurait mis en place un système de notation, d’évaluation des citoyens en fonction de leur comportement : le fameux « système de crédit social » (SCS). Effet garanti lorsque le réalisateur demande à son épouse, Lulu, à peine sortie du lit, de « vérifier son score » et que le nombre 752 s’affiche sur l’écran.
Ce que signifie ce résultat, le documentaire ne l’explique pas vraiment. On nous informe qu’il s’agit d’un « score qui conditionne l’accès aux services publics » ou « qui permet à des commandes internet d’aboutir ». Nous n’aurons pas plus de détails, sinon que le projet « est inspiré des techniques financières américaines », qu’il est « inscrit dans le plan quinquennal » et recourt à des « contraintes contre les personnes non dignes de confiance ». Le procédé vise à impressionner le spectateur, et peu importe que le réalisateur prenne des libertés avec la réalité, peu importe que les traductions soient approximatives, voire trompeuses. « Ma femme a du crédit » est le dernier exemple en date de documentaire à charge, qui n’hésite pas à déformer les faits pour coller à une vision dystopique de la Chine.