Si on part de l’idée que l’objectif premier de Poutine est d’intégrer l’économie russe à l’Asie plutôt qu’à l’Europe, davantage que de conquérir une grande partie de l’Ukraine, les décisions du Kremlin depuis février dernier apparaissent plus sensées, bien que brutales et hasardeuses.
Le mois de septembre n’est pas encore terminé qu’il a renversé le cours de la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine le 24 février dernier. L’armée russe a perdu sa domination apparente sur le conflit, domination déjà douteuse depuis quelques mois. Les défenseurs de la Russie sur les réseaux internautes francophones ont été pris au dépourvu, pendant que les pro-Ukraine jubilent. Et on voit refleurir les interprétations psychologisantes, présentant la guerre russe comme une décision irréfléchie d’un autocrate demi-sénile et déconnecté du réel, dans un pays où le pouvoir ne tiendrait que par la répression, ne disposant que d’une armée vermoulue et incompétente.
Le présent article n’est pas un travail d’expert, mais expose une opinion, ainsi qu’une hypothèse différente de celles qui prévalent dans les deux camps. Il ne s’agit pas de l’hypothèse pro-russe présentant le conflit comme une juste réponse de la Russie se défendant, ainsi que ses alliés du Donbass, contre la menace otanienne, menace dont le régime « ukro-nazi » de Kiev serait l’avatar. L’hypothèse que je vais avancer est que la guerre russe toute entière relève d’un projet dont l’enjeu est bien plus vaste que de savoir quel contrôle la Russie aura sur le territoire de la petite Ukraine – d’autant qu’une bonne partie de celle-ci est devenue (ou est depuis longtemps) définitivement anti-russe.
Les événements depuis 2014
Faisons d’abord un récapitulatif des faits commençant juste après le changement de présidence et de gouvernement ukrainiens suite aux événements du Maïdan en février 2014.
– En 2014, la Russie occupe la Crimée (dont les autorités locales avaient d’elles-mêmes fait sécession de l’Ukraine), et fait valider cette annexion par référendum en mars de la même année. En parallèle, une partie des Oblasts (régions) de Donetsk et Lugansk, dans le Donbass (sud-est de l’Ukraine) se proclament indépendants (formant deux républiques distinctes), et parviennent à repousser, certainement avec une aide russe, les tentatives de reconquête de l’armée ukrainienne.
– La situation va durer ainsi jusqu’à 2022, la Russie (avec la Crimée) et ses protégés des républiques autoproclamées contrôlant 7% du territoire internationalement reconnu de l’Ukraine (environ 45 000 km2). Des accords de paix et de résolution du conflit entre Kiev, Moscou et les sécessionnistes du Donbass, dits accords de Minsk (I en 2014 et II en 2015), sont signés mais non appliqués, malgré la surveillance de la France et de l’Allemagne (parties prenantes des accords).
– Le 21 février 2022, V.Poutine considère que les accords de Minsk sont un échec et reconnaît l’indépendance des deux républiques du Donbass, ouvrant la voie à une intervention pour les défendre.
– Le 24 février 2022, un assaut général est lancé par la Russie contre l’Ukraine, avec une offensive en plusieurs axes sur Kiev, ainsi qu’une autre offensive fulgurante dans le sud, de Kherson à Marioupol en passant par la centrale d’Energodar (six réacteurs, la plus grande d’Ukraine et d’Europe, qui réalisait environ 20% de la production électrique ukrainienne). À la mi-mars, la Russie et ses alliés du Donbass contrôlent 25 à 30% du territoire internationalement reconnu de l’Ukraine (toujours Crimée et Donbass inclus), soit 18 à 23% de plus qu’au 23/02/2022. Mais les prises de Kiev comme de Kharkov s’annoncent, sinon impossibles, du moins beaucoup plus difficiles que prévues (du moins dans l’hypothèse où la Russie aurait vraiment envisagé la conquête de ces villes). En tout cas, le gouvernement ukrainien ne s’est pas effondré, et l’armée ukrainienne ne s’est pas mutinée.
– Dans la quatrième semaine de mars, la Russie annonce se retirer du nord de l’Ukraine, pour se repositionner ailleurs (dans le Donbass). Le nouvel objectif affiché de “l’opération spéciale” russe est la conquête de la “Novorossya” ou Nouvelle-Russie, soit la moitié sud-est de l’Ukraine, incluant Kharkov, Dnipro et Odessa. Fin mars-début avril, l’armée ukrainienne reprend plus de 40 000 km2 abandonnés par les Russes. Ces derniers tiennent cependant toujours 20% du pays (soit 13% de plus qu’au 23/02/2022).
– D’avril à juillet, en 100 jours environ, les forces russes et alliées vont réaliser quelques gains dans le Donbass, prenant de petites villes (Popasna, Svetlodarsk), puis deux agglomérations qui comptaient chacune environ 100 000 habitants avant la guerre, Sievierodonetsk et Lysychansk. L’oblast de Lugansk est totalement conquis (ou libéré, selon le point de vue). Mais ces gains ne représentent au total que quelques centaines de kilomètres carrés.
– Durant les mois de juillet et août, il ne se passe plus rien de significatif, à part des micro-percées de quelques kilomètres de part et d’autre. L’Ukraine annonce une offensive massive du côté de Kherson (le fait que cette offensive à venir ait eu une telle publicité étant en soi étrange).
– Ladite offensive, après avoir ressemblé à un serpent de mer, finit par se produire dans la semaine débutant le 29 août. Et malgré une percée sur Kostroma, à quelques dizaines de kilomètres au nord de Kherson, c’est très globalement un échec pour les Ukrainiens.
– Cependant cette offensive n’était en réalité qu’une diversion. Le 6 septembre, commence le véritable spectacle, avec une offensive massive dans l’Oblast de Kharkov, dont le tiers oriental était occupé par la Russie. Après avoir encerclé Balakleia, les Ukrainiens foncent à travers la steppe en direction de l’est et du nord-est, prenant Shevchenkovo, mais aussi tout ou partie de Kupiansk (une ville qui s’était rendue à la Russie dès le début de la guerre), puis Izioum, qui avait été une prise majeure pour la Russie fin mars, mais que l’armée russe n’a pas voulu défendre pour éviter un encerclement. Balakleia et Izioum furent donc évacuées. Au nord-est de l’oblast de Kharkov, les Ukrainiens progressent également sans difficulté vers Veliki Burluk, une petite ville à quelques dizaines de kilomètres de la frontière russe.
– Dans la troisième semaine de septembre, le front semble s’être stabilisé, bien que les offensives ukrainiennes contre la nouvelle ligne de défense russe sur le fleuve Oskol ainsi que sur Lyman (au nord de l’Oblast de Donetsk) soient toujours en cours. Le 20 septembre, la Fédération de Russie annonce la tenue de référendums d’annexion dans les quatre oblasts totalement ou partiellement occupés (Donetsk, Kherson, Lugansk, Zaporojia). Le lendemain matin, Vladimir Poutine officialise la mobilisation partielle de l’armée russe, dans le but d’amener 300 000 réservistes expérimentés sur le front ukrainien, ce qui changerait le rapport de forces numériques entre les deux camps.
Bilan temporaire
Les Russes ont abandonné quasiment tout ce qu’ils possédaient dans l’Oblast de Kharkov, laissant les Ukrainiens progresser de 60 kilomètres d’ouest en est et de plus de 100 kilomètres du sud au nord. Les Ukrainiens ont récupéré au moins 1% de leur territoire national, réduisant la part actuellement détenue par les Russes et leurs alliés à 19% (Crimée et une partie du Donbass incluses). La modestie apparente de ces chiffres n’enlève rien au fait qu’il s’agit de la plus importante percée vue dans le conflit depuis mars.
Au nord, le chemin fut laissé ouvert aux Ukrainiens jusqu’à la frontière russe (qu’ils ne franchiront jamais, pour ne pas donner à Poutine un prétexte en or pour déclencher une mobilisation générale). La stabilisation du front et son tracé sont donc toujours incertains, et l’oblast de Lugansk, entièrement conquis début juillet par les Russes comme dit plus haut, pourrait vite être menacé.
Comment le front va-t-il évoluer ?
Je dirai un peu plus loin ce que j’en déduis sur les raisons profondes du lancement de la guerre par Poutine en février dernier. Mais avant cela, je vais dire ce qui me semble prévisible sur le cours futur du conflit, territorialement parlant. N’étant pas expert militaire, je vais me contenter de parler de géographie.
D’abord, il me semble acquis que les offensives russes sont terminées depuis juillet dernier, et qu’elles ne reprendront probablement pas avant un moment, et peut-être même plus du tout. Depuis la fin mars, il m’apparaissait évident que les conquêtes par les Russes de Kharkov, Nikolaev ou Odessa étaient illusoires. Mais je m’attendais à ce que, en cohérence avec sa déclaration du 21 février, Poutine veuille au moins prendre la totalité des Oblasts de Lugansk et Donetsk.
Dans le rapport de forces actuel, il est évident que les prises de Kramatorsk et Sloviansk (les deux plus importantes villes tenues par les Ukrainiens dans l’oblast de Donetsk), ainsi que des agglomérations plus petites dans le nord-ouest dudit oblast, n’auront jamais lieu. La prise de la ligne Sviersk-Bakmut/Artemovsk n’est pas impossible, et servirait à établir une ligne de front pour protéger Lysychansk et Sievierodonetsk…mais il faudrait déjà que les Russes repoussent les troupes ukrainiennes qui se sont approchées de Lysychansk, et qui ont déjà pris la petite ville de Bilohorivka.
En clair, le mieux qui puisse arriver au camp russe dans la situation d’aujourd’hui, à moyens constants, serait de tout juste conserver ses positions. Et mes propos sont peut-être déjà obsolètes avant même de les publier. Au moment où je parle, ou dans les prochains jours, les Ukrainiens seront peut-être très avancés dans l’Oblast de Lugansk. Atteindront-ils la capitale de la région, qui leur résiste depuis huit ans ? Ce n’est pas impossible, mais la Russie et sa métropole régionale de Rostov-sur-le-Don étant proches, on peut penser que les bastions séparatistes d’avant février 2022 tiendront.
Mettons que la Russie stabilise son front est, et protège ses acquis au Donbass. Il lui resterait deux fronts à surveiller : celui de Kherson, qui a déjà été éprouvé, mais aussi un autre front, dont on parle encore peu dans les médias occidentaux, et pourtant aussi vital que les autres pour l’ensemble des positions russes. Il s’agit des 200 kilomètres de front entre le Dniepr, dans la région de Zaporojia (oblast détenu à 60% par les Russes, mais dont la capitale éponyme et la majorité des habitants restent du côté ukrainien), et Donetsk. 200 kilomètres de steppe, sans barrières naturelles, où une percée ukrainienne serait très vite catastrophique pour la Russie. L’armée ukrainienne pourrait prendre Mélitopol, le port de Berdiansk (et briser le contrôle complet de la Russie sur la mer d’Azov, effectif depuis le printemps), reprendre Energodar (une humiliation pour les Russes), revenir, à l’est, à Marioupol (encore une humiliation), et, à l’ouest, prendre à revers les forces russes à Kherson, et obliger ces dernières à une évacuation totale de l’Oblast de Kherson en direction de la Crimée. Retour au front du 23 février 2022, humiliation complète pour la Russie. Autant on peut admettre que, géostratégiquement, l’est de l’Oblast de Kharkov n’était pas utile, et que sa faible défense puis son abandon peuvent se comprendre, autant la non-défense du front sud ne pourra s’expliquer que par l’incompétence du commandement politico-militaire russe.
Autrement dit, si le Kremlin ne renforce pas immédiatement le front de Zaporojia à Donetsk, il se dirigera vers un désastre intergalactique. Et c’est peut-être ce qui va se passer.
Le statu quo est donc le meilleur scénario que la Russie puisse espérer pour les mois qui viennent (rappelons aussi que Russes comme Ukrainiens savent se battre en hiver ; rien ne garantit donc une « trêve hivernale »).
Trois questions immédiates
Les questions que l’on peut se poser sont les suivantes :
- Comment une telle défaite dans l’Oblast de Kharkov a-t-elle pu se produire ?
De toute évidence, le front autour et au nord-est de Balakleia était peu défendu, et l’était par des miliciens de la République Populaire de Donetsk (ou de Lugansk), dont la valeur militaire était faible. Les Ukrainiens ont rapidement percé le front, et ensuite…il n’y avait rien. Les Ukrainiens ont pu se promener sur des dizaines de kilomètres, en étant parfois la cible de l’aviation et de l’artillerie russes sur un terrain de végétation basse où il est souvent impossible de se cacher, mais en rencontrant peu d’obstacles au sol. Le fait est que ce secteur du front russe était dégarni ; et cela ne laisse que deux explications : soit l’incompétence et l’imprévoyance du commandement russe, soit le choix conscient, sous contrainte de moyens limités, d’abandonner ce territoire en cas d’attaque importante des Ukrainiens. La réalité est probablement un mélange des deux : le commandement russe savait que ce secteur ne serait pas défendable, qu’il faudrait évacuer en cas d’attaque et reconstituer un front plus à l’est, mais il a été surpris par l’ampleur et la rapidité de l’offensive ukrainienne.
- Comment la puissante Russie peut-elle être tenue en échec par la petite Ukraine ?
En préliminaire de la réponse, rappelons que la Russie a 146 millions d’habitants. L’Ukraine ne comptait que 38 millions d’habitants en janvier dernier. Avec la perte de 13% de son territoire et le départ vers l’Ouest de plus de 6 millions de réfugiés dont 4 millions ne sont pas revenus (même après le retrait russe de la région de Kiev fin mars), elle n’a au mieux que 31 millions d’habitants aujourd’hui.
La réponse à la question est évidente, et ne nécessite même pas d’aborder la question de la compétence de l’armée russe et de son commandement : la Russie a engagé des moyens nettement insuffisants pour une conquête globale de l’Ukraine, ou même de la moitié du pays. Avec moins de 200 000 combattants impliqués, l’armée russe (et ses alliés du Donbass), aussi incroyable que cela puisse paraître, est localement en infériorité numérique face à l’armée ukrainienne. Sa supériorité aérienne et en artillerie sauvait la situation… jusqu’à la semaine du 6 septembre.
- Donc une autre question suit : « Pourquoi la Russie a-t-elle engagé aussi peu de moyens, et pourquoi a-t-elle attendu le 21 septembre pour commencer à les accroître ? »
Les défenseurs du Kremlin ressassent des arguments qui sont en fait devenus des poncifs, aisément réfutables. D’abord celui disant que mobiliser davantage de troupes professionnelles de l’armée russe (qui compte plus d’un million de membres) risquerait de dégarnir la défense de l’immense territoire russe. Sauf que personne ne compte sérieusement attaquer la Russie (le territoire russe internationalement reconnu) actuellement, pas même l’OTAN.
Ensuite, mobiliser des troupes risquerait de déclencher le mécontentement des familles russes, et des manifestations de mères de familles réclamant de connaître le sort, voire de récupérer les corps de leurs fils, comme pour les guerres de Tchétchénie et de Géorgie. On se demande comment le Président de Toutes les Russies peut craindre des manifestations de quinquagénaires, mais surtout, on sait qu’il y a de toute façon déjà eu des jeunes conscrits envoyés en Ukraine, et qui y sont morts ou ont été capturés, au début du conflit, et ce en dépit des annonces du Kremlin. De plus, cet argument sur l’impopularité du conflit en cas de mobilisation contredit frontalement le discours des pro-Kremlin sur le soutien de la popularité d’une « opération spéciale » justifiée par la nécessité de lutter contre les « Ukro-nazis », de secourir les frères du Donbass, et de réunifier le « monde russe » en conquérant la « Novorossya ».
D’ailleurs, la mobilisation de 300 000 réservistes expérimentés (environ 0,5% de la population adulte masculine nationale) annoncée le 21 septembre montre que remuer une minorité de la société russe n’était pas inenvisageable, mais qu’il a fallu une situation militaire critique pour franchir le pas.
L’insuffisance des moyens militaires russes, surtout au regard des pertes subies, est criante depuis les premières semaines du conflit. Les refus successifs du Kremlin de les renforcer et de parler clairement de guerre au lieu « d’opération spéciale » révèlent que les ambitions de conquêtes n’étaient pas prioritaires pour le pouvoir russe. Sauf, là encore, si on part sur l’hypothèse d’un déni pur et simple de la situation par Poutine et son entourage ; une hypothèse chérie par les médias français, mais qui n’est pas la seule possible.
Et si le but de cette guerre n’était pas vraiment militaire pour le Kremlin ?
Je vais proposer une explication à cette situation invraisemblable où un Président installé au pouvoir depuis 22 ans, fin connaisseur de la géopolitique de l’ex-URSS et de l’Asie, aurait lancé une guerre contre un voisin relativement faible, sans se donner vraiment les moyens de gagner cette guerre, ni sans objectifs clairs et compréhensibles.
La raison qui me semble la plus profonde est que Poutine n’a pas démarré cette guerre pour des raisons principalement militaires, et que les objectifs de gains territoriaux en Ukraine ne sont ni clairement définis, ni très importants.
Mettons de côté le discours officiel du Kremlin sur les buts de guerre : la « démilitarisation » de l’Ukraine, aujourd’hui plus armée et « otanisée » que jamais, est clairement un échec, et l’aurait de toute façon été sauf à envahir tout le pays, ce qui était impossible et non souhaité par le pouvoir russe.
La « dénazification » est un objectif tout aussi dérisoire, déjà parce que l’Ukraine actuelle n’a jamais été globalement néonazie, mais plus encore parce que les combattants des bataillons Azov jadis ou aujourd’hui Kraken sont désormais vus comme des héros par beaucoup d’Ukrainiens.
La conquête de la « Novorossya » n’est un objectif plausible qu’à condition d’avoir une vue réduite de ce territoire qui, n’en déplaise à Xavier Moreau, n’a aucune existence juridique et ne peut donc être considéré comme appartenant à la Russie « en droit international ».
Si tous les objectifs affichés de la guerre russe sont au mieux flous sinon ridicules, alors le véritable objectif est de ceux dont on parle moins. Il me semble que la véritable première motivation du conflit, celle à laquelle Poutine tient le plus, est la rupture des liens économiques entre l’Occident et la Russie, et la réorientation de cette dernière vers l’Asie, Chine et Inde en particulier.
Cette politique, pour Moscou, peut se justifier de plusieurs manières.
D’abord, l’Asie a un potentiel de croissance économique qui, malgré la décélération de la Chine, reste très élevé en comparaison de l’Europe. La Russie a d’immenses ressources naturelles, mais une démographie mal portante. Plusieurs pays d’Asie sont dans la situation inverse, et peuvent fournir des consommateurs, des fournisseurs et des sous-traitants à l’économie russe.
Je passerai rapidement sur la question de l’état de l’économie russe, un débat que je n’ai pas la compétence de trancher. Que la Russie ne rencontre qu’une récession légère de 1.6% de son PIB selon Jacques Sapir en se basant sur Rosstat (l’INSEE russe), ou une récession de 6% comme calculée par le FMI, cela ne change pas grand-chose à la vision à long terme de Poutine. Le tableau que dépeignent les économistes de Yale est beaucoup plus sombre et compromettant pour la soutenabilité de la guerre par la Russie pour l’année qui vient.
A l’instar du Brexit qui est sur le fond un projet de réorientation des liens économiques du Royaume-Uni depuis l’Europe vers le reste du monde, le basculement de la Russie vers l’Asie ne peut que prendre du temps, et les inconvénients précéderont toujours les retombées positives. Ceci dit, bien que cela n’ait pas été évident au début de la guerre, les échanges sino-russes sont déjà en progression[1] [2] [3]. Cela n’indique nullement une bonne santé de l’économie russe, ni même de celle de la Chine, comme le soutient Paul Krugman[4], puisque cela peut traduire la faiblesse de la consommation intérieure des deux pays par rapport à la situation d’avant 2020. Mais Poutine sait que l’économie chinoise est sur une pente freinante, entre le déclin démographique, les investissements urbains gâchés, l’effondrement de son secteur immobilier, et l’effet de la politique du Zéro Covid que Beijing a prolongée sur près de deux ans. Si le pétrole russe, pour l’instant vendu au rabais, est une opportunité pour la République Populaire, le marché intérieur russe est également une cible à ne pas négliger.
Parallèlement à cela, Moscou développe ses relations avec l’autre géant asiatique qu’est l’Inde[5] [6], en accélérant la finalisation d’un itinéraire de transport naval de Saint-Pétersbourg russe jusqu’à Mumbaï[7], et en entamant des transactions libellées en roupies[8].
Pour le pouvoir russe, la construction de nouveaux réseaux d’échanges est un objectif à horizon de quelques années plus important que les performances économiques globales en termes de valeurs ajoutées ou de chiffres d’affaires.
Ensuite, les gouvernements asiatiques – si on met de côté la Corée du Sud et le Japon, alliances occidentales oblige – ne font pas de jugements sur la nature du régime russe. Aussi, si la Russie a des conflits frontaliers en Europe (avec l’Ukraine et potentiellement avec les Pays Baltes) et dans le Caucase (avec la Géorgie), elle n’a pas de conflit actif en Asie orientale…du moins tant que la Chine ne relance pas la question des frontières de l’Extrême-Orient et des traités passés entre les empires russes et chinois, au détriment du dernier, du XVIIème au XIXème siècles, ou que le Japon n’insiste pas trop sur la souveraineté des îles Kouriles ou de Shakaline. Des dossiers qui ne sont pas urgents, ni pour Beijing, ni pour Tokyo.
Récemment, certains commentateurs ont vu dans l’appel du gouvernement chinois à un “cessez-le-feu” en Ukraine un début de désaveu de la République Populaire envers la Russie[9]…Ce qui revient à ignorer que, si le front se fige, la Russie reste gagnante, comme je vais continuer à l’expliquer. En ce mois de septembre, c’est l’Ukraine qui a intérêt à poursuivre et intensifier les combats.
Une guerre nécessaire pour la politique économique de Poutine ?
Y avait-il besoin d’une guerre pour que ce retournement des relations commerciales russes se fasse ? Probablement oui. La Russie n’est en effet pas un pays d’économie planifiée, contrairement à ce que certains Occidentaux veulent penser. Ce n’est pas vraiment une économie très libérale, de par la puissance d’intervention de l’État sur les actions des agents privés, mais ce contrôle étatique est loin d’être absolu. Poutine ne peut imposer aux entreprises et encore moins aux consommateurs de changer leurs clients et fournisseurs, remplaçant les Européens et Nord-Américains par des Asiatiques, sur une simple décision politique. La guerre, et les sanctions radicales des Occidentaux, sont un formidable amplificateur du mouvement désiré par le Kremlin, d’autant que cette contrainte vient de pays hostiles, alors que la Russie ne faisait officiellement qu’aller secourir ses frères du Donbass. Ceci permet d’éviter que les Russes ne reportent leurs mécontentements logistiques contre leur gouvernement.
Il est probable que ce basculement d’Ouest en Est de l’économie russe sera le principal accomplissement que Poutine souhaite laisser à la postérité, alors qu’il sent sa fin de règne approcher. Un legs qu’il juge sans doute bien plus important à long terme pour la Russie, et sans doute à raison, que de savoir si l’armée russe a conservé des sous-préfectures en parties vidées de leurs populations, comme Izioum ou Kupiansk, ou même si elle a pris Odessa ou Kharkov.
Comment l’explication économique de la guerre peut éclairer des choix militaires russes
Cette nécessité de provoquer l’Occident au point de générer une levée de boucliers immédiate, et des sanctions bien plus lourdes encore que celles qui ont suivi l’annexion de la Crimée, peut expliquer des opérations spectaculaires mais militairement insensées, comme la campagne de Kiev en février-mars. Une campagne qui, même en cas de succès militaire rapide, aurait été très vite un poids pour la Russie. Quand bien même Kiev et Kharkov auraient été capturées en quelques jours, l’armée russe se serait retrouvée à devoir gérer plusieurs millions de civils hostiles, et ce alors que le gouvernement ukrainien, replié dans l’ouest du pays, n’aurait sans doute pas abandonné la lutte. Alourdie par les charges de l’occupation, l’armée russe aurait été rapidement immobilisée.
On peut supposer qu’en lançant cette offensive, Poutine espérait avant tout le déclenchement de sanctions occidentales, sur le modèle de celles de 2014, mais de façon démultipliée. L’hypothèse selon laquelle les Russes auraient naïvement cru en un renversement rapide du pouvoir ukrainien reste envisageable, mais une autre hypothèse selon laquelle les sanctions auraient été désirées pour elles-mêmes est au moins aussi sensée au regard de ce qui précède.
En tout cas, ces deux hypothèses restent plus plausibles que celle de la « diversion » que l’armée russe aurait faite en attaquant la capitale ukrainienne pour « repositionner » ensuite ses troupes dans le Donbass, puisque ledit « repositionnement » n’a guère surpris les Ukrainiens, que les offensives russes contre les positions ukrainiennes près de Donetsk se sont fait attendre en avril et furent très laborieuses.
Le choix russe d’une guerre longue
Un autre fait que cette explication du conflit par le projet économique de Poutine peut rendre plus compréhensible est le choix d’une guerre longue. Je parle bien d’un choix.
Comme dit plus haut, l’offensive sur Kiev avait peu de chances d’arriver à une fin rapide du conflit. Lorsque l’on souhaite une guerre courte, il faut soit des moyens quantitatifs et qualitatifs nettement supérieurs à ceux de l’ennemi, ou des objectifs territoriaux limités. L’Allemagne avait cela lors de l’invasion de la Pologne occidentale en 1939, du Danemark, de la Norvège, ou encore des Pays-Bas en 1940. Au contraire, l’invasion de la France et de la Belgique a nécessité, pour la Wehrmacht, une prise de risque avec la percée des Ardennes, dont les historiens savent aujourd’hui que son succès a reposé sur une forte part d’audace et de chance. L’invasion de l’Irak par les USA et leurs alliés en 2003 avait pour elle tant une domination matérielle et technologique – plus qu’en effectifs – énorme qu’un territoire relativement restreint à conquérir – si on ne considère que la partie réellement habitée de l’Irak. La Russie a eu peu de difficultés à vaincre la petite Géorgie en 2008 ; mais pour l’Ukraine, la simple étendue du territoire habité (603 000 km2) pose problème, surtout avec moins de 200 000 attaquants.
D’autres choix auraient été possibles pour l’armée russe, en limitant l’offensive des premières semaines à seulement trois oblasts ukrainiens : Kherson, Zaporojia (pour y faire exactement ce que les Russes ont accompli du 24 février au 10 mars) et Kharkov. Dans cette dernière région, dont la capitale éponyme est la deuxième ville d’Ukraine et un centre industriel considérable, les Russes ont tenté un début d’encerclement fin février, tout en prenant Kupiansk à l’est dès le 27 février, puis en descendant lentement vers Izioum, capturée fin mars, tout en restant loin d’un encerclement de Kharkov. Ceci s’explique par le choix de concentrer beaucoup plus de moyens sur Kiev.
Une stratégie alternative aurait consisté à ne rien faire sur Kiev et dans tout le nord de l’Ukraine, et à utiliser l’essentiel du dispositif initial russe pour encercler Kharkov, sans tenter de la prendre (ce qui aurait été bien plus pénible encore qu’à Marioupol). Il aurait fallu pour cela faire descendre l’armée russe en deux colonnes, l’une à l’ouest de Kharkov, de la frontière jusqu’à Lozova (au sud de l’Oblast), et l’autre à l’est jusqu’à Barvenkovo (au sud-est de l’Oblast), en passant par Kupiansk et Izioum. Ces résultats auraient pu être rapidement atteints, possiblement en une quinzaine de jours, en ne parcourant pas plus de distances et en n’occupant pas plus de territoires (en fait nettement moins) que l’armée russe ne l’a réellement fait dans le nord ukrainien au cours des deux ou trois premières semaines du conflit. La zone à conquérir dans cette uchronie ne compte aucune ville majeure (aucune de 100 000 habitants ou plus, Lozova en ayant moins de 60 000 avant-guerre), et reste en tous points proche de la Russie (Oblast de Belgorod). Par la suite, l’armée russe n’avait qu’à opérer une jonction avec le front sud, en démarrant une percée depuis Lozova au nord, et une autre au sud depuis Polohy (nord-est de l’Oblast de Zaporojia), dans le but de couper les communications ukrainiennes entre la vallée du Dniepr (les villes de Dnipro et Zaporojia) et le Donbass. Une fois ces buts atteints, l’Ukraine aurait été battue, ne pouvant que constater l’encerclement de Kharkov, mais aussi celui de tout le Donbass, de Sloviansk à Marioupol. L’aide occidentale, ne pouvant parvenir à des forces assiégées, aurait été en partie inutile à l’Ukraine. La Russie aurait eu un front principal, depuis l’ouest de Kharkov jusqu’à l’est de la ville de Zaporojia, moins long à défendre que ne l’est le front actuel, s’étirant du Dniepr jusqu’à l’Oskol en passant par la banlieue de Donetsk.
On peut sans doute imaginer d’autres stratégies russes (par exemple celle ignorant l’Oblast de Kharkov, et déplaçant dès que possible des moyens vers le sud pour encercler la ville portuaire de Nikolaev et s’approcher de la Transnistrie). Mais dans tous les cas, le choix de l’éparpillement initial des forces russes sur le nord de l’Ukraine, avec une précipitation remarquée, des pertes conséquentes en matériel et sans doute en hommes, est difficilement compatible avec le choix d’une guerre brève. Il semble que le pouvoir russe a fait le choix d’objectifs territoriaux plus importants que ce qu’il pouvait rapidement contrôler. Et la « clarification » des objectifs dans la troisième semaine de mars, désignant la « Novorossya » (la moitié de l’Ukraine, rappelons-le) comme cible de conquête, resta dans la même veine.
L’idée que je soutiens ici est donc qu’en ayant des vues trop grandes par rapport à ce que l’armée russe pouvait faire, le Kremlin se serait imposé à lui-même une guerre longue, donc aurait soumis son économie à un traitement de choc suffisamment durable pour que la construction de nouveaux réseaux commerciaux avec l’Asie se fasse. A l’inverse, une guerre courte aurait peut-être amené un armistice et une lassitude progressive des Européens, donc un apaisement relativement rapide entre Russie et Occident, avec des sanctions qui resteraient limitées (alors que les Européens sont actuellement en train de préparer une nouvelle série de rétorsions – la septième au moins depuis février[10]).
Les choix économiques du Kremlin auraient donc eu pour prix des choix anti-stratégiques sur le plan militaire, prenant le risque d’exposer une armée russe malingre et blessée à des défaites bruyantes face à un ennemi très remonté et disposant du soutien occidental.
La défaite militaire totale en Ukraine ne peut être admissible pour la Russie
Cependant, même si Poutine n’a jamais cru qu’il garderait une grande partie de l’Ukraine, ni ne l’a voulu, il ne peut accepter un scénario où l’armée russe serait totalement boutée hors d’Ukraine, du moins jusqu’aux lignes de front du 23/02/2022, ne laissant à Moscou que la Crimée et un bout de Donbass – voire moins. Et ce pour plusieurs raisons.
Déjà, car une telle humiliation signifierait la chute de Poutine. Dans un pays dont l’essentiel de l’orgueil national est basé sur la puissance militaire, une telle déconvenue atomiserait la popularité du Président, à un point qu’aucune propagande ni tricherie électorale ne saurait couvrir. Poutine serait sans doute remplacé par Medvedev ou quelqu’un d’autre.
Ensuite, si ce scénario militaire se produisait, il se pourrait que les Occidentaux décident de relâcher les sanctions. Déjà parce qu’elles pèsent sur les économies européennes, mais aussi parce qu’elles ne serviraient à rien. Même humiliée militairement, la Russie, deuxième puissance nucléaire du monde, et géant des ressources fossiles, ne paiera jamais de réparations à l’Ukraine, ne livrera jamais les criminels de guerre que Kiev réclamerait (sauf marchandage occasionnel), et ne présentera jamais d’excuses. Alors à quoi bon s’acharner dans un jeu mutuellement douloureux des ruptures commerciales ? Si le commerce UE-Russie reprenait, alors tout le projet de réorientation économique de la Russie vers l’Est prendrait du plomb dans l’aile, et même dans les deux ailes. Pour que les sanctions durent, la Russie doit donc conserver une partie de ses conquêtes. Qu’elle ait renoncé à des territoires inutiles au nord du pays ou dans l’Oblast de Kharkov peut se comprendre, mais un retrait total d’Ukraine, volontaire ou forcé, est inenvisageable.
L’Ukraine privée d’OTAN ?
Enfin, il y a une autre raison pour laquelle la Russie ne peut admettre de perdre ses gains. On ne le remarque pas, car ce n’est pas à l’ordre du jour (bien que la situation militaire pourrait faire croire le contraire), mais l’Ukraine n’est pas membre de l’OTAN, et ne peut pas le devenir actuellement. Et ce pour une raison simple.
L’Ukraine est en guerre avec la Russie. Tant que la Russie est présente en Ukraine, hors de la Crimée et du Donbass séparatiste dans ses limites au 23/02/2022, cet état de guerre est maintenu. Si l’Ukraine entrait instantanément dans l’OTAN, son président pourrait invoquer l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord et contraindre les autres membres soit à entrer directement en guerre avec la Russie, soit à rendre le traité fondateur de l’Alliance caduc.
C’est là un acquis fondamental pour Poutine, dont nous savons tous qu’il était l’une de ses priorités dans son conflit politique avec l’Ukraine depuis 2014. Et c’est pourquoi il n’y aura pas de traité de paix entre Russes et Ukrainiens, mais un armistice, créant une perpétuelle guerre silencieuse, comme celle qui oppose les deux Corées depuis 1953. Et dès que Kiev fera mine de candidater à l’entrée dans l’OTAN, Moscou fera vaciller l’armistice.
L’UE, auprès de laquelle Kiev a décroché une candidature expresse, n’a pas du tout la même importance militaire. On peut même dire que, loin d’être un échec pour Poutine, la future entrée de l’Ukraine dans l’Union est en réalité plutôt un avantage pour Moscou dans son opposition avec Bruxelles. Pour les principaux pays de l’Union Européenne (Allemagne, France, Italie…), l’Ukraine sera un poids financier, dont il faudra payer la reconstruction (ce qui se chiffrera sans doute en centaines de milliards de dollars ou d’euros, les deux monnaies étant actuellement quasiment à parité), mais à qui il faudra en plus verser des subventions tous les ans, plus lourdes sans doute que pour la Pologne ou la Roumanie. Et ce sans vraiment revitaliser le pays, sauf miracle, car l’Ukraine continuera sans doute de dépérir démographiquement. Autrement dit, Poutine vient sans doute d’accrocher un boulet au drapeau bleu à étoiles.
Conclusion
Basculement de l’économie russe vers l’Asie, conservation de quelques lieux réellement précieux (Kherson, Energodar, mer d’Azov, une majorité du Donbass), ruine démographique de l’Ukraine, fardeau de la reconstruction du pays à la charge des Occidentaux, blocage de l’entrée ukrainienne dans l’OTAN : si le front se figeait à ses positions du 23 septembre, et qu’un armistice le consacrait, le Président russe aurait atteint l’essentiel de ses objectifs. La Russie aura perdu des milliers des siens, beaucoup de matériel, et traversera une récession d’une ou plusieurs années, mais elle s’en sortira avec de nouvelles opportunités.
Dans cette optique, on peut comprendre que Poutine ne mobilise que partiellement ses troupes, comme proclamé le 21 septembre. On peut aussi prédire sans prendre trop de risques qu’on ne verra probablement pas de grande contre-attaque russe en Ukraine, sauf changement radical de l’environnement stratégique et géopolitique local ou international, pour des raisons qui nous seraient aujourd’hui inconnues. Si l’armée russe parvenait à reprendre l’avantage du nombre, elle pourrait éventuellement repousser le front actuel vers le nord ou l’ouest pour garder un peu de marge territoriale, et dans le plus ambitieux des cas, reprendre la conquête de l’Oblast de Donetsk. Mais rien d’autre n’est nécessaire militairement, à part de nouveaux bombardements (ce que la Russie fait quotidiennement) ou la perturbation d’agglomérations proches du front comme Nikolaev ou Kharkov pour pousser Kiev à accepter un armistice, surtout si le soutien occidental commençait à s’effriter.
Par contre, si la mobilisation est lente ou inefficace, le scénario le plus plausible en alternative à ce que je viens de décrire est celui d’un effondrement global du front russe. Ce scénario a peut-être déjà commencé au moment où ce texte paraît.
Aurélien Valeau
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[1] La Chine au secours de l’économie russe : un soutien prudent et intéressé (Le Monde, 16/09/2022)
[2] “La Chine n’a fait montre d’aucune retenue dans ses échanges avec la Russie” (Le Monde, 06/09/2022)
[3] Les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie s’accélèrent (NTD News)
[4] Ce que leurs excédents commerciaux cachent de l’état réel des économies russe et chinoise | Atlantico.fr
[5] L’Inde assume son rapprochement commercial avec la Russie | Mediapart
[6] L’Inde prévoit des échanges commerciaux de 8 à 9 milliards de dollars avec la Russie et le Sri Lanka en deux mois (zonebourse.com)
[7] Commerce: la Russie, l’Iran et l’Inde inaugurent une nouvelle route maritime (rfi.fr)
[8] Le commerce de l’Inde avec la Russie en roupies va bientôt commencer – organisme commercial | Zone bourse
[9] Guerre en Ukraine : la Chine appelle à un cessez-le-feu après les annonces de Vladimir Poutine (francetvinfo.fr)
[10] L’Union européenne envisage de nouvelles sanctions contre la Russie | Euronews