Le sénat adopte en douce une loi fermant l’accès des archives des services de renseignement au public

Communiqué de presse de l’association des archivistes français


Paris, le 30 juin 2021. Le moment est his­to­ri­que pour les archi­ves : pour la pre­mière fois en France, une loi ferme l’accès aux archi­ves publi­ques – si l’on excepte le cas très par­ti­cu­lier des armes de des­truc­tion mas­sive réglé en 2008 du fait d’obli­ga­tions inter­na­tio­na­les.

L’arti­cle 19 du projet de loi rela­tif à la pré­ven­tion des actes de ter­ro­risme et au ren­sei­gne­ment place les ser­vi­ces de ren­sei­gne­ment hors des exi­gen­ces répu­bli­cai­nes de contrôle démo­cra­ti­que. L’immense majo­rité de leurs archi­ves devient inac­ces­si­ble, et ce, sans aucune limite de durée autre que celle que ces mêmes ser­vi­ces déci­de­ront. Jusqu’ici, au contraire, ces docu­ments deve­naient com­mu­ni­ca­bles de plein droit aux citoyens au terme de délais allant de cin­quante à cent ans.

Au moment même où les ser­vi­ces de ren­sei­gne­ment – indis­pen­sa­bles à notre sécu­rité natio­nale – acquiè­rent un poids qu’ils n’ont sans doute jamais eu en période répu­bli­caine, ils se trou­vent donc déchar­gés des contrain­tes de trans­pa­rence et de res­pon­sa­bi­lité qui résul­taient de la pos­si­bi­lité d’accé­der à leurs archi­ves au terme de délais pré­ci­sé­ment déter­mi­nés par le Parlement.

Toutes les pro­po­si­tions alter­na­ti­ves, pour­tant mesu­rées et rai­son­na­bles, ont été reje­tées. Le gou­ver­ne­ment porte la res­pon­sa­bi­lité de ce choix his­to­ri­que grave, ainsi que les admi­nis­tra­tions acti­ves dans ce dos­sier, notam­ment : le Secrétariat géné­ral de la défense et de la sécu­rité natio­nale, la Direction des affai­res juri­di­ques et la Direction des patri­moi­nes, de la mémoire et des archi­ves du minis­tère des Armées et le Service inter­mi­nis­té­riel des archi­ves de France du minis­tère de la Culture.

Ce choix est en contra­dic­tion directe avec les annon­ces publi­ques du pré­si­dent de la République concer­nant l’accès aux archi­ves.

Le col­lec­tif « Accès aux archi­ves publi­ques » dénonce aussi les men­son­ges indi­gnes pro­fé­rés par la minis­tre des Armées, Florence Parly, cette nuit au Sénat. La parole poli­ti­que perd tout sens quand une loi qui pro­longe de manière indé­fi­nie les délais d’accès aux archi­ves publi­ques est qua­li­fiée de « loi d’ouver­ture », quand des amen­de­ments qui pro­po­sent des garde-fous sont pré­sen­tés comme offrant moins de « garan­ties aux cher­cheurs », quand la parole d’asso­cia­tions reconnues, res­pec­tées et consi­dé­rées comme les plus repré­sen­ta­ti­ves des pro­fes­sions concer­nées est ren­voyée à d’impro­ba­bles « opi­nions dis­si­den­tes », quand le nombre d’archi­ves concer­nées est pré­senté comme mar­gi­nal alors que les ser­vi­ces de ren­sei­gne­ment sont exfil­trés hors du droit commun des archi­ves et que de véri­ta­bles trous noirs his­to­ri­ques sont créés.

Le col­lec­tif remer­cie par ailleurs les séna­teurs et séna­tri­ces qui, cette nuit, ont déses­pé­ré­ment bataillé pour que cette régres­sion démo­cra­ti­que ne se pro­duise pas, en par­ti­cu­lier Esther Benbassa, Nathalie Delattre, Catherine Morin-Desailly, Pierre Laurent, Pierre Ouzoulias et Jean-Pierre Sueur, ainsi que le pré­si­dent de la com­mis­sion de la culture, de l’éducation et de la com­mu­ni­ca­tion, Laurent Lafon.

Il les appelle à saisir le Conseil cons­ti­tu­tion­nel au terme du pro­ces­sus par­le­men­taire, en même temps qu’il appelle l’ensem­ble des his­to­riens et des archi­vis­tes, ainsi que les citoyens, à mani­fes­ter, une fois encore, leur désac­cord avec ce texte qui devrait défi­ni­ti­ve­ment être adopté dans la seconde quin­zaine du mois de juillet.

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