Le glissement vers le militantisme de Disney a pour effet de créer des personnages moins attachants. La baisse de qualité des productions a conduit à une baisse de performance et de légitimité pour la firme américaine.
La dérive de Disney, commencée il y a plusieurs années, est illustrée par Samuel Fitoussi, dans Woke fiction, son ouvrage sur les fictions. Il compare l’évolution du caractère de Mulan entre la version de 1998 et celle de 2020.
Il écrit :
« Dans la version de 1998, le personnage éponyme, jeune femme courageuse, se déguise en homme et s’engage dans l’armée pour défendre son pays. Plus frêle et plus faible que toutes les autres recrues, elle est d’abord une piètre combattante […]. Déterminée, elle progresse, compense ses lacunes physiques par une intelligence tactique supérieure, et finit par gagner le respect de tous. Dans le remake 22 ans plus tard, Mulan est, dès le début du film, la meilleure guerrière de Chine. Elle ne doit plus gagner le respect des autres, ce respect lui est dû. Elle n’a plus besoin d’évoluer, ce sont tous les autres personnages qui doivent cesser de la sous-estimer. Avec cette nouvelle Mulan, les scénaristes pensent sans doute avoir créé un rôle modèle féminin ; en réalité, la Mulan de 1998 était sans doute beaucoup plus inspirante : elle enseignait le pouvoir du dépassement de soi et de la persévérance. La Mulan de 2020 ne doit ni surmonter ses propres failles (ce qui impliquerait le besoin de s’entraîner dur, de consentir à certains sacrifices) ni vaincre des antagonistes ou des rivaux redoutables (ce qui impliquerait le besoin de cogiter, de trouver des solutions audacieuses ou de coopérer avec d’autres personnages) mais batailler contre « la société » qui l’empêche de donner la pleine mesure de son potentiel. Dans ce type de films, la protagoniste n’est souvent pas très attachante. »
Si Disney crée des films dont les personnages ne sont pas attachants, alors l’entreprise est en danger, car c’est sa raison d’être même, et ce qui a fait son succès depuis un siècle.
Autrement dit, l’entreprise a sacrifié sa raison d’être au militantisme, et les résultats ne se sont pas fait attendre. Depuis 2021, le groupe a perdu la moitié de sa valeur boursière. Et ce ne sont pas que les résultats financiers. Son image de marque en a aussi pris un coup. Alors qu’elle a longtemps été une icône américaine, Disney ne se situe plus aujourd’hui qu’à la 77e place des 100 firmes les plus admirées aux États-Unis, selon un sondage Axios-Harris. Elle a perdu plus de dix places en seulement un an ! Elle a même été classée cinquième marque la plus polarisante de l’année. Le paradoxe est qu’en voulant être inclusive, Disney a profondément divisé son audience et l’a perdue.