Macron se serait attribué des applaudissements de soignants… destinés à une opposante très critique

Hier matin, jeudi 09 avril 2020, Emmanuel Macron s’est rendu à l’hôpital Bicêtre dans la banlieue sud de Paris pour une visite surprise. Une vidéo de la visite est apparue sur les comptes officiels de l’Élysée montrant le président et le personnel soignant s’applaudir chaleureusement. Il pourrait en réalité s’agir d’une vulgaire technique de communication occultant la réalité des faits et dont les services présidentiels pourrait déjà avoir largement usé par le passé.

La vidéo, que vous pouvez retrouver ci-dessous, a été postée vers 13 heures dans la journée d’hier. Macron est alors en visite « improvisée » pour rencontrer les soignants du CHU Bicêtre au Kremlin-Bicêtre dans le Val-de-Marne. Le chef de l’État se tient debout dans un hall et les soignants, tous masqués semble-t-il, le surplombent au balcon des trois étages du bâtiment. À la demande d’une soignante, l’ensemble de l’auditoire va s’applaudir durant une trentaine de secondes. C’est cette séquence que le palais présidentiel a choisi de partager en ligne, montrant un moment de communion national fort entre le Président et le personnel de l’hôpital. Le message qui accompagne la vidéo montre lui aussi toute la reconnaissance du Président envers les équipes médicales du pays.

Cette communication ne saurait néanmoins dissimuler le mal-être global qui règne notamment dans les hôpitaux publics français, confrontés à des coupes budgétaires incessantes depuis de nombreuses années.

Intérrogés, les soignants racontent une toute autre version

Racontée dans son intégralité, la scène entière montre une toute autre réalité. Interrogée par le journal Le Parisien, Isabelle Bernard, secrétaire de la section CGT de l’hôpital, a donné des détails intéressants. Avant les applaudissements, Macron aurait été invectivé par une syndiquée CGT. Celle-là même qui demande les applaudissements collectifs visibles dans la vidéo.  « C’est dommage que personne n’ait eu l’idée de filmer l’intégralité de l’intervention, on a été pris au dépourvu, nous ne savions pas qu’il serait là, et il faut dire que l’on a autre chose à penser et à faire en ce moment », ironise quant à lui un aide-soignant. Rappelons qu’il s’agit d’une visite surprise, et que seuls les services de communication du Président étaient présents, leur laissant un contrôle total des images.

« Ce n’est surtout pas Macron que nous avons applaudi à son invitation. Cette collègue a pris la parole de manière viscérale pour parler des conditions de travail des soignants et des problèmes que nous rencontrons. Elle a dit au président que ça faisait longtemps qu’on l’interpellait, que nous étions en grève depuis des mois et qu’il n’avait jamais répondu présent. Qu’il était dommage qu’il faille des milliers de morts pour qu’il se préoccupe de la santé », témoigne Isabelle Bernard. Cette dernière s’est elle aussi emportée envers le Président :« Nos conditions de travail sont horribles et ça ne date pas de l’épidémie. Au départ nous n’avions même pas de masques, aujourd’hui nous n’avons plus de surblouses. À chaque fois que l’on a ouvert des unités Covid, nous avons été obligés de réinventer la façon de faire, comment se protéger, comment prendre en charge, rien n’a été coordonné. Nous sommes des travailleurs pauvres, et de plus en plus depuis que Macron est là! ».

Un témoignage de terrain qui reflète là encore une toute autre réalité que celle de la vidéo présidentielle. Olivier Bruley, aide-soignant aux urgences de Bicêtre et délégué FO poursuit dans ce sens : « Il y a un avant, un pendant et il y aura un après cette épidémie. Il ne faudra pas oublier que l’hôpital public est en souffrance. On nous fait de grandes félicitations, de grands applaudissements tous les soirs à 20 heures, mais il ne faudrait pas que le gouvernement une fois la crise passée, oublie d’ouvrir les vannes du matériel et du personnel. »

D’ailleurs, une partie de cet échange houleux a filtré sur les réseaux sociaux, accréditant la thèse d’une ambiance toute autre que celle montrée par les services de l’Élysée :

La Macronerie abuserait de ces techniques de communication

Il y a trois jours, le 7 avril 2020, en déplacement à Pantin, le Président a salué des familles au balcon avant de poster la vidéo sur son compte Twitter. Cette séquence avait intrigué de nombreux internautes qui accusaient Macron d’utiliser des figurants car la résidence était censée être étudiante, et non habitée par des familles comme sur les images. Le quotidien Libération via son service CheckNews a débunké aujourd’hui cette information. Néanmoins, ce même CheckNews avait relaté la veille que tous les habitants n’acclamaient pas Macron, et que certains criaient même « Macron démission ! ». Nous pouvons penser légitimement que les communicants du Président ont utilisé la même technique et n’ont diffusé qu’une partie bien choisie des images.

Salon de l’agriculture : Macron emploierait-il des figurants pour parler avec lui ?

La perspective des images peut également être trompeuse. Ainsi, en 2017 à Toulouse, filmée de près, les médias nous vendait une place du Capitole noire de monde saluant le Président. Filmée de loin, la place était occupée par une centaine de personnes tout au plus… Enfin, la suspicion de l’emploi de figurants ne date, elle aussi, pas d’hier. Le Président n’a-t-il pas salué les mêmes personnes lors de ses visites au salon de l’agriculture en 2018, 2019 et en 2020 ? L’emploi de militants LREM est fréquent pour garantir la bienveillance des rencontres avec le président, comme lors de sa visite « improvisée » d’un bar de Lens en 2018 ou d’une épicerie de Rouen la même année. Cela permet de montrer aux Français qui regardent encore la télévision que Macron est largement soutenu par l’homme de la rue, ce qui peut influencer les téléspectateurs.

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