Chronique Littéraire – « Mediator, 150mg : combien de morts ? » de Irène Frachon

Nous relayons ici une chronique littéraire, cette fois-ci rédigée par Vincent Lapierre, sur un ouvrage d’Irène Frachon à propos du scandale du médiator.

Je viens de terminer un livre fort utile en ces temps troubles : « Mediator, 150mg : combien de morts ? » de Irène Frachon (Éditions dialogues, 148 pages).

Irène Frachon est en effet cette médecin pneumologue qui, de 2006 à 2009, a enquêté sur un médicament, le Médiator (ou Benfluorex), vendu par le laboratoire Servier depuis 1976 et qui était alors utilisé quotidiennement, en dehors de sa prescription médicale (antidiabétique), comme coupe-faim par environ 300.000 Français.

Dans son livre, l’auteure raconte le déroulement de son enquête, ses doutes initiaux face à des patients atteints d’hypertension artérielle pulmonaire (sa spécialité) parfois concomitante avec la prise de Médiator. Elle explique bien que le Médiator était dénoncé depuis 1997 par la revue Prescrire comme étant le petit frère de l’Isoméride, un anoréxigène amphétaminique autrefois interdit en raison des ravages mortels qu’il causait au cœur, notamment.

Toutes les amphétamines avaient alors été retirées du marché mais le Médiator avait échappé à cette purge, en France. En Espagne et aux États-Unis en revanche, ce médicament avait été proscrit mais en raison d’un manque de transparence du laboratoire Servier sur la nature exacte de ce produit, et des liens pervers désormais établis entre le laboratoire Servier et les instances de contrôle du médicament (Afssaps, aujourd’hui ANSM). Pendant ce temps, le Médiator était toujours en vente en France (et même remboursé par la sécu).

À travers cet ouvrage, Irène Frachon raconte comment elle est parvenue par des études de cas minutieuses, à démontrer le lien entre le Médiator et les atteintes cardiaques mortelles qu’elle observait, et à faire éclater l’affaire notamment grâce à la presse. Médiator : combien de morts ? Officiellement entre 1500 et 2000, sûrement davantage. Tout cela pose bien sûr question sur la perfectibilité des instances de contrôle des médicaments, qui ont été réformées depuis cette affaire pour garantir une certaine transparence, mais dont la tendance globale demeure une privatisation progressive et un retrait des pouvoir publics, laissant de plus en plus de place aux financements privés des instances de contrôle. Des réformes profondes devraient être faites et rejoignent la question centrale du Frexit. Par ailleurs, ce livre invite à la réflexion et à la prudence quant à la prise de médicaments superflus, sans toutefois verser dans la paranoïa.

Un livre à lire, clairement.

Vincent Lapierre

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